google-site-verification: googlede319a3eacee1517.html Ecrire est un sport de combat: Rien qu'un gadjo de là-bas

mardi 24 août 2010

Rien qu'un gadjo de là-bas

Ça devait être en 1972. On passait des vacances dans le Sud. Au camping du partage des eaux, à L’isle sur la Sorgue, on est tombé sur un groupe de forains, des “gens du voyage”, qui en occupaient une grande partie. Ils étaient là pour les marchés locaux. Les camions étaient pleins de vaisselle, de gadgets, de babioles à touristes. Ils quittaient le camp chaque matin à 5 heures. Ce serait aujourd’hui, on les foutrait dehors. Nous, on a sympathisé. Ils jouaient de la guitare tous les soirs. Et nous aussi. Je me souviens d’avoir reçu sur les genoux un petit bout de quelques mois que j’ai pouponné jusqu’à ce qu’il me pisse sur le pantalon. Sa mère était aux anges de voir son bambin dans les bras d’un gajo sympathique. Je me souviens d’un enfant de cinq ans qui savait déjà jouer de la guitare, mais seulement de la main droite, celle du rythme typique de la musique flamenca. Je le prenais sur les genoux, lui aussi, et je plaquais des accords de la main gauche pendant qu’il jouait de la main droite, d’une manière absolument éblouissante. Des heures, on a passé avec eux. Des gens tout à fait formidables et d’une générosité épatante.


En 1997, dans un camping du cher, où nous étions de passage, rebelote. Ils étaient là, plusieurs dizaines. Ils pêchaient dans le petit étang. Je suis allé voir ce qu’ils prenaient. C’étaient des poissons chats. Un truc immangeable. Ils m’ont demandé si, justement, ils pouvaient les manger. J’ai répondu que non, à part en soupe. Ils ont tout refoutu à l’eau. Mais rien que parce que je m’étais approché et que je leur avais parlé, je suis devenu leur pote. J’ai eu droit à la visite complète de la famille. Et ils m’ont invité à boire une verre. Le jour suivant, tous les mômes venaient nous voir, voir de quoi ils avaient l’air, ces gadjé qui ne les fuyaient pas.

Autour de chez moi, aujourd’hui, il y a des camps d’accueil et aussi des installations sauvages, de préférence juste au bord des autoroutes, dans des conditions d’existence minables et indignes. A mon sens, ils ne posent pas plus de problèmes que d’autres populations en butte aux difficultés de la précarité.

Ces gens, je les aime. Je les considère comme une part de moi-même. J’ai été élevé dans le mythe du gitan libre qui refuse toute contrainte, dans la musique de Django, avec un rêve de roulotte et de départ au coin de la tête, dans l’espoir que la liberté peut encore exister. Les mettre dehors, c’est m’enlever un bout de moi. C’est m’ôter une part de ma culture, de mes rêves, de ma personnalité. Je ne laisserai personne me faire ça.

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